• Début du livre Résiliences Cicatrices Rébellion-Éd. L'harmattan- 2010

    Bilan du repérage du film Cicatrices : Résiliences

    Par Gabriel Gonnet, Réalisateur

    Choisir de travailler sur la résilience, entraîne à une propre réflexion sur soi-même, sur sa propre résilience pour peu que le concept de résilience puisse correspondre à un idéal du moi. J’ai bien peur que la poursuite de cet idéal, repousse loin l’aboutissement de ma réflexion personnelle.

    C’est pourquoi, j’éprouve aujourd’hui le besoin d’écrire et de tenter de fixer les premiers éléments de l’enquête sur laquelle je travaille depuis 2 ans.

    Une des première conclusions de cette enquête sera d’envisager la résilience comme un processus, une attitude, plutôt que comme un état qu’il s’agit à tout prix de conquérir.

    Parmi les témoins et les expériences que j’ai pu rencontrer, certains ignorent le terme de résilience et d’autres seraient tuteurs de résilience sans le savoir, d’autres encore ont eu à un moment de leur vie une intuition qui apparaît aujourd’hui pour les observateurs comme un facteur de résilience.

    L’enquête nous mène donc en terres inconnues où nous vérifions des hypothèses, où nous devenons nous-mêmes chercheurs… L’enquête devient donc en elle-même un sujet possible pour le film, une source d’inspiration.

    Ce voyage à travers des personnages du monde de la résilience qui ont d’une façon ou d’une autre rebondi, révèle les capacités insoupçonnées des ressources de l’être humain. Ce sont des leçons de vie, leçons originales qui n’appartiennent qu’à ceux qui les ont vécues.

    Nous sommes dans le champ de la narration, nous entrons dans le pays des émotions où les larmes vont côtoyer le rire, où, à côté de la violence et de l’indifférence, vont se trouver l’empathie et l’affection qui vont sauver !

    Beaucoup de résilients, après avoir vécu les événements les plus horribles que l’on puisse imaginer, ont cette expression : « J’ai eu de la chance ! ». Ce qui ne manque pas de provoquer quelque surprise chez leur interlocuteur. 

    Quand une personne n’a plus rien, tout va devenir essentiel et ce dramatique dépouillement va permettre à la personne de saisir le prétexte le plus anodin pour rebondir, pour l’amplifier, pour se recréer un monde. C’est ainsi qu’un vulgaire papier-bonbon devient un « trésor » pour Tim Guénard, multi-fracturé par la violence de son père. C’est ainsi qu’un enfant martyrisé tous les jours par sa mère dira, devenu adulte : «  J’ai eu de la chance, un jour, elle m’a pris par la main et m’a emmené promener ». Une denrée bien rare qui a pris du sens et lui a permis d’espérer.

    C’est peut-être cette pauvreté du regard, ce dépouillement, qu’il va nous falloir retrouver dans le film. Je pense à ce patron qui a donné son entreprise à ses ouvriers et qui erre nu sur les cendres du Vésuve dans le film Théorème de Pasolini. Retrouver dans le film ce premier regard, cette attention flottante où tout devient essentiel, où l’étrangeté et la beauté du monde deviennent fondatrices. Retrouver ce regard d’enfance, d’étonnement et de contemplation qui est pourtant si actif. L’immanence des êtres et des choses va, dans ce moment, redonner un sens à des existences.

     

    Au commencement…

    En prenant la plume ce matin, j’en viens à m’interroger sur la date où j’ai commencé ce travail… en 2001, sans doute !  

    C‘est en lisant  le bonheur est toujours possible  de Stefan Vanistendael et de Jacques Lecomte que m’est venue l’idée de faire un film. Ce livre commence à aborder la question des pratiques qui pourraient être considérées comme résilientes. Il faudrait plutôt parler d’attitudes, car les pratiques risquent souvent de devenir systématiques et par là, perdre le sens initial d’une meilleure attention aux autres, ce pourquoi, elles ont souvent été créées.

    J’ai ensuite rencontré Stefan Vanistendael du BICE à Genève qui m’a donné de nombreux contacts et Jacques Lecomte avec lequel une collaboration s’est installée.

    Une des premières rencontres a été l’Institut de psychologie Sociale à Paris où deux chercheuses Ludvina Colbeau-Justin et Bernadette de Vanssay m’ont reçu. Elles sont spécialistes des catastrophes. Elles m’expliquent la capacité d’une population à faire face quand une catastrophe se produit et évoquent une capacité de « résilience collective » : elles citent le cas des inondations.

    Après une première phase d’effondrement des personnes touchées par la catastrophe, des réflexes de solidarité se mettent en place allant vers une prise en charge collective des problèmes. La question des aides extérieures est déterminante, la question de la reconnaissance des sinistrés est fondamentale, et en particulier, celle d’être reconnu comme ayant droit par l’assurance. 

    Cette question du statut du traumatisé qui va être considéré le plus souvent comme victime, va revenir dans la plupart des situations de résilience, c’est le début du processus. C’est une question qui relève du droit : c’est la première reconnaissance de l’autre dans sa difficulté et dans sa capacité de la dépasser.

    Ces deux chercheuses analysent ce phénomène de résilience collective par un modèle de comportement d’implication : une fois passée la première phase de choc, la personne va s’identifier à sa situation, c’est-à-dire s’approprier les difficultés et trouver la volonté de réagir, elle va commencer à agir et se trouver valorisée, car elle trouve certaines solutions. Enfin, elle va être reconnue par ses pairs en termes de compétence ce qui va lui permettre de trouver cette implication qui la met en capacité d’aider aussi les autres. Cette émulation va créer la capacité collective.

    Cette situation présentée comme un modèle se retrouvera plus difficilement dans d’autres situations où l’ampleur du traumatisme est beaucoup plus considérable, par exemple dans le cas des tremblements de terre où la personne perd ses repères : proches, affaires, maison, paysage… Les personnes vont avoir tendance à se retrouver dans des situations de prostration et de dépression qui ne pourront être dépassées que beaucoup plus tard, quand la végétation se reformera, quand il y aura reconstruction de la ville, par exemple.

    Cela entraîne une première réflexion qui va être une vraie question : la résilience est possible, mais jusqu’à quel point peut-elle effacer le traumatisme ?

    Dans presque toutes les situations que nous trouvons, il y a la question que Primo Levi s’est posée durant toute sa vie : celle des  rescapés et des naufragés. 

    Malgré tout l’étaiement intellectuel qui pourra expliquer la possibilité d’être rescapé comme dans l’étude de la résilience, il restera toujours la question pleinement dramatique de ceux pour lesquels rien n’accrochera, auxquels rien ne semble pouvoir être proposé : ceux qui sont emportés dans le naufrage.

    Question qui sera l’objet du livre de Patrick de Clerck : les naufragés, sur la question des « Sans Domiciles Fixes », où il émet les plus hauts doutes sur une réinsertion possible des clochards. Son livre, s’il a fait beaucoup pour un mieux vivre et une meilleure compréhension de l’hygiène et des difficultés des sans-abris, s’inscrit sur un fond de désespérance.

    ... La suite dans ... 

    Bons de commandeBons de commande

    Feuilleter le livre                Fiche du film              Dossier de presse du film  

     

    Circo para todos : Séquences d'un des 4 protagonistes du film Cicatrices -

    École de cirque où des enfants des rues de Cali deviennent des professionnels.

    « UNE SOUFFRANCE EXTRÊME, à propos du film Marguerite B.La question du résilience collective-À propos du film Cicatrices-Article de Jean Marcel Koffi »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    1
    Frankie Ipswich
    Mardi 11 Octobre 2022 à 00:01

    ne comparez pas seulement les films où il y a un motif sur la richesse et ainsi de suite, vous devez le regarder https://cinemay.video/209-shazam-la-rage-des-dieux-2022.html comme une note psychologique et une direction... 

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :